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samedi 21 décembre 2013

Les mystères et les enjeux de la grâce de M. Khodorkovsky

 

Voir: http://rapsinews.ru/incident_news/20131220/270199307.html
http://www.gazeta.ru/politics/2013/12/20_a_5813037.shtml
 
Images intégrées 1



Le 19 décembre, après la conférence de presse, le Président russe V. Poutine annonce gracier très prochainement M. Khodorkovsky. La surprise est totale chez ses partisans et ses avocats, qui s'emballent en disant que Khodorkovsky n'a pas déposé une demande de grâce, procédure obligatoire pour pouvoir l'obtenir. Il faut d'urgence sauver l'image du héros national.
 
Le soir, le centre de communication de M. Khodorkovsky envoie un message disant que les avocats ne se prononceront plus publiquement tant qu'ils ne se seront pas concertés avec M. Khodorkovsky.
 
Le 20 décembre, l'oukase de grâce est publié sur le site officiel du Kremlin. Le même jour, M. Khodorkovsky est libéré, il obtient de l'ambassade d'Allemagne un visa et s'envole, sans photos de départ où on le verrait entouré de ses avocats et de la bulle libérale, dans un jet privé d'une compagnie allemande vers Berlin. A l'arrivée, l'attendent son avocat en Allemagne et l'ancien ministre allemand des affaires étrangères pour l'emmener vers un hotel.
 
Le soir, le centre de presse de M. Khodorkovsky publie un communiqué en son nom dans lequel il affirme avoir envoyé la demande de grâce au Président Poutine. En voici le texte en français:
 
"Chers amis,
Le 12 novembre, j'ai demandé au Président de la Fédération de Russie de me grâcier, du fait de la situation de ma famille, et j'ai été heureux que sa décision soit positive.
La question d'une reconnaissance de culpabilité n'a pas été évoquée.
Je voudrais remercier tous ceux qui ont suivi l'affaire Ioukos toutes ces années pour le soutien qu'ils ont apporté, à moi, à ma famille et à tous ceux qui ont été injustement condamnés et continuent d'être persécutés. J'attends avec impatience le moment où je pourrais seerer mes proches dans mes bras et serrer la main de tous mes amis et collègues.
Je pense en permanence à ceux qui continuent à être emprisonnés.
J'adresse des remerciements particuliers à M. Hans Dietrich Gensher pour son implication personnelle dans mon destin.
Avant tout, je vais payer ma dette à mes parents, ma femme et mes enfants, et j'attends avec impatience de les revoir.
C'est une occasion formidable de passer les fêtes de Noël ensemble, avec ma famille.
Je souhaite à tout le monde un joyeux Noël et une bonne année!
Mikhaïl Khodorkovski"
 
Et des rumeurs diverses et variées circulent. Il est allé en Allemagne retrouver sa mère pour la soigner, sa mère qui se retrouve dans la région de Moscou et a déjà fini ses soins en Allemagne. Il va partir ensuite vers la Suisse retrouver sa femme. Sa famille va venir le retrouver en Allemagne. Etc, etc, etc. Bref, personne ne sait rien, mais tout le monde en parle.
 
Et effectivement, cela dérange. De ne rien savoir. Ou plutôt de n'avoir rien su. Ni de la demande, ni du départ en Allemagne. Les supporters russes, certains en tout cas, se sentent floués. Ils s'adaptent, aujourd'hui déjà, et se réjouissent. Mais une certaine amertume pointe.
 
Platon Lebedev reste en prison, quand leurs destins étaient liés. Il ne sait pas s'il va demander ou non la grâce. Lui non plus n'était pas au courant des démarches de son ami et associé. mais il a bien consience de ne pas être la figure centrale de l'affaire Yukos, il se trouvait simplement à proximité dans le halo de lumière.
 
M. Khodorkovsky est parti directement de Russie, alors que ses porte-paroles déclaraient de nombreuses années durant qu'il ne quitterait jamais la Russie.
 
Il a écrit cette demande de grâce, qui vaut reconnaissance de culpabilité, alors qu'il devait sortir en août 2014 et l'ombre d'une 3e affaire Yukos, l'affaire des experts, ne semblait pas très réaliste, malgrè les allégations de certains.
 
Bref, quid du héros? Il reste un homme. Un homme qui a tenu 10 ans dans un système carcéral pas vraiment clément, sans être brisé. Un homme qui va passer les fêtes de Noel en famille. Bref, un homme humain, avec une force de caractère incomparable, quand les cimetières sont plein de héros.
 
Mais cela semble déplaire à certains. Alors les divagations commencent. Un ancien actionnaire de Yukos, A. Kondaourov, déclare que M. Khodorkovsky ne serait jamais parti sans même voir sa mère (comme si les frontières soviétiques infranchissables étaient restaurées), qu'il a dû être mis de force dans l'avion (par qui? les services allemands puisqu'il s'agit d'un jet privé d'une compagnie allemande?) ou qu'il doit être tellement malade qu'il nécessite des soins urgents en Allemagne (sur la photo, il a l'air plutôt bien portant et bien accueilli).
 
Autrement dit, l'homme dérange quand le héros intéresse. Pourtant, il serait possible de souligner sa résistance, sa force de caractère et de respecter cela. Cela aussi est admirable. Mais ils auraient préférés le voir sortir en vaiqueur en août et non presque prendre la fuite avant Noel. Car, inconsciemment, son départ est interprété par ces individus comme une fuite, comme un renoncement. Comme si M. Khodorkovsky leur été redevable du soutien qu'ils lui avaient apportés professionnellement. Heureusement, il existe des exceptions. On peut noter la réaction de E. Loukianova, une de ses avocates qui se réjouie réellement et sincèrement, humainement. Il est dommage que ces réactions ne soient pas plus répandues.
 
Au lieu de cela, chacun essaie d'interpréter la demande de grâce comme un acte qui n'entraîne pas la reconnaissance de culpabilité. C'est compréhensible. S'il s'agit d'une reconnaissance de culpabilité, où est le héros, en tout cas ce héros qu'ils voulaient? Pourquoi se sont-ils battus? C'est un désaveu qu'ils prennent pour eux personnellement.
 
Mais, ça c'est leur problème. Un homme est en liberté, et c'est une bonne chose. Point. 10 ans. La dette est payée. Et Poutine a fait un coup médiatique phénoménal. Car non seulement il a libéré, lui et non le clément Medvedev, la personne que les médias considéraient comme son ennemi personnel, mais il l'a fait en contournant manifestement une bonne partie de ses avocats et en coopération avec l'Allemagne. Et la bulle libérale ne sait trop comment réagir.
 
La prochaine conférence de presse de M. Khodorkovsky prévue demain 22 décembre donnera le ton concernant son avenir, autrement dit quel chemin se choisit-il?
 
 
 
 
 

jeudi 19 décembre 2013

Un projet de loi pour une plus grande transparence des marchés publics

Voir: http://www.kommersant.ru/doc/2371608

Le ministère de l'économie vient de déposer un projet de loi visant au passage progressif à l'informatisation complète de la procédure de conclusion des marchés publics. En effet, ce sont les marchés conclus en version papier qui furent la source des plus grands scandales.
 
La procédure de concours sera mise en ligne, les participants enverront leurs dossiers en ligne, ce qui doit permettre d'éviter au maximum les manipulations par les commissions lors du choix du cocontractant, en renforçant la transparence.
 
Dans un premier temps, ce concours en ligne doit être la règle de principe pour les marchés de construction dont le montant est supérieur à 150 millions de roubles, ce qui va concerner environ la moitié des volumes de constructions et environ 40% du volume total des marchés publics. Le prix ne doit plus être le seul critère retenu, des critères non financiers, comme l'expérience du candidat, doivent également être retenus.
 
La mise en place du principe du recours au concours électronique va se faire par étape. Au 1er juillet 2014, cela doit concerner les achats de niveau fédéral et à partir de 2015 le niveau municipal sera concerné.
 
Certains experts ont des doutes sur la possibilité d'adopter un texte final à la Douma en respectant des délais aussi courts, cela va dépendre de la volonté des députés de réellement s'atteler à la transparence des marchés publics, qui sont une des sources principales de corruption. 

mercredi 18 décembre 2013

Une vision de l'Etat, une question d'homme: Autriche/Russie

A la grande surprise générale, l'Autriche, pays à grande tradition politique et juridique, nomme un étudiant de la Faculté de droit - c'est déjà ça - au poste de Ministre des affaires étrangères. Comment analyser cette décision?
 
Vous me direz, mais quel rapport avec la Russie? Le rapport est dans la conception de l'Etat et dans la volonté politique.
 
Un jeune politicien, qui avait dirigé la fraction jeunesse du parti en question, qui n'a pas encore terminé ses études, peut-il être un bon ministre des affaires étrangères? En fait, la réponse va dépendre de ce que l'on attend du ministère des affaires étrangères du pays considéré.
 
Si l'on en attend rien, il sera excellent. Il ne fera pas de vagues, il ne fera pas le poids face à la Russie ou aux Etats Unis, donc il laissera ces derniers continuer à gérer l'UE ( en tout cas sa politique étrangère ) et il ne fera pas d'ombre à l'Allemagne, qui reste le dernier pays européen à avoir une relative politique étrangère. Donc, si le ministère des affaires étrangères est devenu aussi décoratif que les présidents sous la Quatrième République, chaque chose est à sa place. On peut juste regretter que, par exemple, le choix ne se soit pas porté sur un chômeur, il y en aurait eu un de moins. Ou sur un SDF, bien lavé et parfumé, il aurait pu remplir la non-fonction et un être humain de plus aurait eu un toit sur la tête pour l'hiver. Mais bon, le choix s'est porté sur un jeune loup tout frais (pas encore) sorti de la fac de droit.
 
Remarquez, encore mieux que Medvedev en Russie, il pourra s'attacher à la modernisation, en tout cas aux IPhones et autres bestioles du même genre, ce qui par ailleurs facilitera la surveillance. D'un autre côté, surveiller quoi???
 
Et la presse russe, pour le moins, s'étonne. Je ne ferai pas la liste des articles ironiques ou critiques que la question, ils sont légions. Même gazeta.ru avait sorti, hier, une excellente analyse de la situation. Je dis "même" gazeta.ru, car ce journal est à juste titre réputé très pro-occidental. Donc l'article était étonnant. Mais ça, c'était avant, non pas l'occidentalisme, non, l'article. Dans la nuit, manifestement, la femme de ménage est passée et malencontreusement l'a mis à la poubelle. Elle n'a pas fait exprès, elle ne savait pas. Bref, aujourd'hui on ne le trouve plus. A la place, avec le même titre, on trouve un communiqué laconique, que vous trouverez ici si vous voulez perdre du temps (http://www.gazeta.ru/politics/news/2013/12/16/n_5820497.shtml). Pas d'analyse, surtout pas d'ironie - juste un peu dans le titre, si le fait d'être étudiant puisse être considéré comme une marque d'ironie.
 
Bref, nous vivons des temps merveilleux. A l'époque, l'autre époque, celle du papier, lorsqu'un article publié dérangeait, c'était plus compliqué. Retirer les journaux, l'interdire de vente. Ca ne se fait pas aussi facilement. Maintenant, avec le miracle de la technologie moderne, il suffit de "nettoyer" et ni vu ni connu, rien n'a jamais existé car il n'existe plus.
 
Mais revenons à l'Autriche et à notre bonne veille Europe, qui semble assez malade. Imaginez-vous en Russie un ministre des affaires étrangères encore étudiant? Non, car l'un dans l'autre il faut bien gouverner - sans protecteur ni souteneur - et donc il faut négocier - seuls comme des grands. Donc le ministère des affaires étrangères est important ... dans un pays souverain qui doit défendre sa politique étrangère.
 
Mais comment l'Autriche, un pays de traditions étatiques, a-t-elle enfanter cette idiotie? Soit il s'agit d'une capitulation: de toute manière cela ne nous sert plus à rien, autant l'affirmer, on baisse les bras et on vous envoie le gamin, faites-en ce que vous voulez, on pourra toujours dire que c'est plus "moderne" car plus jeune. Soit c'est un baroud d'honneur: comme on ne peut plus avoir de politique étrangère, on n'en a plus les moyens juridiques et politiques, alors voilà, on l'affirme à la face du monde et voyons comment ce monde va réagir. Est-ce l'image d'avenir des pays de l'Union Européenne?

mardi 17 décembre 2013

La langue socle de la Nation? Vu de Russie et de France

 
Parfois, par hasard, au détour d'un chemin et d'un article, des liens se font, des ramifications apparaissent et d'étranges questions surviennent. Pour lesquelles nous n'avons, par ailleurs, pas forcément La réponse, l'unique réponse, cette vérité incontestée et incontestable qui nous permettrait de dormir tranquillement sur nos deux oreilles, tout en se posant la question existentielle du menu pour les fêtes de Noel.
 
Malheureusement, même si la question du menu me travaille également, une autre est venu perturber cette douce période de fêtes. La langue est-elle le socle de la Nation? Sincèrement, je ne sais pas. Je ne sais pas ce qu'est le socle de la Nation. Mais intuitivement, je sens ce qu'il ne peut pas être. Ce qui divise, va à l'encontre de la Nation.
 
En France, la seule langue officielle de la République est le français. Et la seule langue reconnue existante sur le territoire nationale est le français. En effet, la France a très longtemps rejeté l'idée même de la ratification de la Charte européenne des lagues européennes et minoritaires, et pour cause. L'Etat français s'est historiquement construit contre. Contre les pressions extérieures soit, mais surtout contre les seigneurs locaux, contre les régions, contre cette diversité, notamment linguistique. Une langue, un pays, un peuple cela fait une Nation, un Etat. Et cet Etat-Nation auquel nous sommes tellement habitués semble immuable, ne retient donc plus vraiment notre attention. Ainsi apparaît la possibilité d'introduire à l'école le multilinguisme. Non, il ne s'agit pas de renforcer l'étude de langues étrangères comme l'anglais, l'allemand, le chinois ou le russe. Mais de prévoir des formes de coexistence linguistique avec l'arabe ou des dialectes africains. Nos dirigeants pensent peut-être ainsi arriver à niveler le niveau des élèves, à atteindre cette sacrosainte égalité républicaine, ici pourtant largement dévoyée. Mais peut importe, nous ne sommes plus à une louche près. Dans la foulée, d'ailleurs, pourquoi ne pas tout à coup précipiter la ratification de cette Charte européenne, l'arabe et les dialectes africains pourront alors être reconnus comme des langues minoritaires sur le territoire nationale et bénéficier ainsi de la protection que leur accorde ce statut juridique. Tout s'enchaîne merveilleusement bien. La France va donc très bien, elle n'a pas d'autres problèmes à régler, puisque celui des hausses d'impôts et taxes est finalement arrivé pour remplir les caisses de l'Etat, le mariage homosexuel est adopté, Paris organisera les JO Gay - bon, on fait ce qu'on peut là où il reste encore quelques compétences ...
 
Cette étrange modernisation de la conception de la Nation, cette étrange image que donne la France en dehors des frontières de l'Union européenne, provoque parfois une certaine incompréhension, au regard de son histoire, de ses traditions, du respect et de la fièreté d'elle-même qu'elle affichait en d'autres temps.
 
En Russie, la langue française jouait sous l'Ancien Régime un rôle spécifique. Langue de la noblesse, de la culture, chacun au minimum s'efforçait de truffer son langage de quelques mots en français. Pouchkine désespérait d'imaginer les femmes de la noblesse parler et écrire en russe. C'était tout un symbole. C'était.
 
Contre ces mouvements de reniement, le balancier passe d'un extrême dans l'autre. Mais les temps changent, les étrangers aussi. Maintenant, des députés LDPR ont déposé à la Douma un projet de loi visant à sanctionner l'utilisation d'une langue étrangère par les russes et par les étrangers sur les lieux de travail, lorsque cela n'est pas rendu nécessaire par leur profession. Cela vise bien sûr à la protection de la langue russe contre l'anglicisme, comme ce fut le cas en France, mais le but est également politique. Il vise également l'étranger proche.
 
En remettant dans le contexte, un étranger arrivant travailler en Russie va devoir connaître la langue et la Constitution. La langue, comme les russes l'ont compris, est bien un élément de la Nation. C'est un élément d'identification. Renoncer, partiellement, à sa langue est une marque de volonté d'intégration et de respect pour le pays dans lequel on arrive.
 
Pour autant, cette idée de réforme est également le signe d'une politique d'unification nationale, qui va à l'encontre des dérives communautaristes françaises, qui en fait continue le modèle français aujourd'hui tant décrié. Les risques d'excès sont toujours présents, ne sont pas négligeables, car la plus grande difficulté pour la Russie aujourd'hui va être d'arriver à trouver cet équilibre précaire entre la préservation de son identité sans rejet de l'évolution, malgrè les exemples peu reluisant donnés dans d'autres pays. Eviter que les extrêmes des uns ne justifient les extrêmes des autres.
 
La langue est-elle donc finalement le socle de la Nation? Elle en fait partie, elle en est un symbole, elle est un symbole dans un symbole. Et tout simplement, comment développer sa culture, donc son identité, en perdant sa langue? Que peut-on alors proposer aux autres? Comment exiger le respect lorsque l'on ne se respecte pas soi-même?