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mercredi 11 mai 2016

Russie: les fakes de la réforme institutionnelle


L'Etat est une mécanique fragile, je dirais presque capricieuse. Un détail suffit à la gripper, quand elle a survécu à des tempêtes. Peut être parce qu'il vaut mieux ne pas jouer avec le diable. Or il se dégage des dernières réformes russe une odeur quelque peu délétère. Revenons sur un sujet qui nous a valu des réactions plus que vives de certains lecteurs. Mais d'étranges déclarations, publications, tout aussi étrangement démenties viennent de sortir dans les médias russes. Est-ce réellement l'ancien directeur du Service Fédéral de lutte anti-drogue qui parle d'un "crime d'état" au sujet de la suppression de cet organe? Est-ce réellement le pays où Lomonossov n'est pas que le nom d'un bâtiment qui prend le risque de destructurer la recherche?


Autant, comme nous avons pu le voir avec les célébrations du 9 mai, les populations ont une conscience très claire et très nette de ce qu'est la Russie, de sa place et de sa puissance - qui n'est pas que militaire, autant les décisions prises récemment - et qui traduisent ce combat des élites qui dévore la Russie de l'intérieur - laisse songeur.

Viktor Ivanov, ancien directeur du Service fédéral de lutte anti-drogue, ou à ce qu'il parait en son nom, publie un texte particulièrement étrange sur Facebook. Non seulement il prend la défense de l'organisation, rappelant son efficacité, non seulement il rapelle que la politique du Service était également de conjuguer à la repression une véritable politique pénale préventive, mais en plus il s'excuse aurpès de ses collègues de n'avoir pu éviter la suppression de ce Service par des gens qui ne sont pas motivés par l'intérêt public, par la défense des intérêts de la Russie. Il appelle cette décision un crime contre l'Etat.

Cette déclaration a été immédiatement démentie, non pas par "l'auteur" lui-même, mais par le porte-parole du Service de lutte anti-drogue. Et démentie de manière assez maladroite: V. Ivanov n'a jamais eu de compte Facebook ou autre compte dans les réseaux sociaux, ceci est un fake lancé pour porter atteinte à la réputation du service.

L'incongrüité du propos tient en ce que le texte publié au nom de V. Ivanov ne porte pas du tout atteinte à la réputation du Service, elle la réhabilite plutôt. Soulignant par la même occasion, la dimension internationale, transnationale de cette criminalité. Le crime est d'enlever à la Russie, selon l'auteur, les moyens efficaces de se protéger sur ce front.

Alors que le Service fédéral obtient le retrait de la publication sur Facebook, l'information qu'il s'agit d'un fake tourne de manière virale à partir des grandes agences d'information comme RIA ou TASS et est reprise en boucle par la grande majorité des médias.  Ainsi, si vous aviez pu rater l'information, vous ne raterez pas le fake.

Et pendant ce temps, l'on notera le silence total de V. Ivanov, qui vient aussi d'être mis en dehors du Conseil de sécurité il y a juste quelques jours, par oukase présidentiel.

Pour continuer dans la série des décisions qui prètent à discussion, revenons sur la question des diplômes. La Douma vient d'adopter en 3e et dernière lecture le projet de loi attribuant le droit, pour l'instant, à l'Université d'état de Moscou Lomonossov et à celle de Saint Pétersbourg d'attribuer les titres de doctorat et de doctorat d'état. Mais en fait le domaine de ce texte est beaucoup plus large, car toute institution universitaire qui aura bonne réputation OU toute université fédérale OU toute institution de recherche etc etc etc - c'est-à-dire en fait la plus grande partie des institutions supérieures russes - finiront par obtenir ce droit. Or leur niveau est plus que différencié. La liste sera fixée par le Gouvernement - donc, plus de contrôle et plus de discussion. L'on passe du diplome d'état au diplôme universitaire. Etrange conception de la modernisation, qui consiste à revenir au féodalisme. 

Sur le fond, ces institutions supérieures pourront déterminer individuellement les catégories scientifiques, la composition des conseils de soutenance, les critères de thèse, les formes de diplomes. Autement dit, un véritable service à la carte. C'est la fin d'un système étatique unifié de recherche qui aboutit à sa fragmentarisation. Plus signe de recul que d'avancée. Et en bonus, sans contrôle étatique, car ce sont ces organisations elles-mêmes qui vérifieront le travail des conseils de soutenance de leur propre institution. Bref, l'autogestion, l'auto-contrôle, donc l'absence de contrôle. Il deviendra ainsi beaucoup plus facile d'accrocher un doctorat au mur, juste à côté du diplôme de pêche.

La Russie bénéficie d'une période bénie pour pouvoir mener de grandes réformes, des réformes de fond dont elle a réellement besoin, pour restructurer l'Etat, son paysage politique, relancer la production nationale, lutter contre le monétarisme, contre la confusion de la politique intérieure. Beaucoup de choses ont été faites depuis les années 2000, maintenant il serait possible de les consolider. Sans laisser la main à ces groupes, particulièrement et puissant, qui sous couvert d'occidentalisme affaiblissent l'état. Ces groupes beaucoup plus fort que le discours patriotique officiel ne pourrait le laisser penser.


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